Le technicien et l’expertise amiable dans la réforme Magicobus II

Le technicien et l’expertise amiable

 Le  décret n°2025-660 du 18 juillet 2025 dit « Magicobus II » qui est entré en vigueur le 1er septembre 2025, consacre une évolution majeure du procès civil dont le but est de renforcer le rôle des parties dans la conduite de l’instruction.

Parmi ces transformations, l’une des plus significatives est la promotion de l’expertise amiable, désormais pleinement intégrée au paysage procédural. Elle s’inscrit dans la logique générale du décret : privilégier la mise en état conventionnelle et l’autonomie procédurale des parties. Les articles 131 à 131-8 du Code de procédure civile (CPC) structurent ce dispositif.

Le technicien et l’expertise amiable

Le recours à un technicien au cœur de l’instruction conventionnelle

Le technicien et l’expertise amiable dans la réforme Magicobus II

La réforme Magicobus II clarifie et renforce la possibilité pour les parties de recourir, d’un commun accord, à un technicien chargé d’éclairer leur différend en dehors d’une mesure judiciairement ordonnée

Selon l’article 131 CPC, la désignation conventionnelle d’un technicien peut intervenir à tout moment : avant tout procès, en cours d’instruction conventionnelle, ou même une fois le juge saisi. Ce mécanisme, qui se veut souple et adaptable, a pour objectif de répondre à la volonté du législateur de permettre aux parties de conduire elles-mêmes la mise en état de leur litige.

Les parties déterminent librement la mission confiée au technicien, qu’il s’agisse de constater des faits, d’éclairer un point technique ou d’évaluer certains préjudices. Il est rémunéré selon les modalités convenues par elles, et  peut également être révoqué par consentement unanime des parties. En cas de désaccord, la partie la plus diligente porte sa demande devant le juge déjà saisi de l’affaire, ou, à défaut, devant le président de la juridiction compétente pour connaître du fond. La procédure applicable est la procédure accélérée au fond, afin de répondre à l’objectif affiché de célérité et d’efficacité. Le juge a alors un rôle d’appui. Il pallie les aléas qui pourraient être liés au mécanisme et se positionne en verrou de contrôle et de sécurité.

L’expertise amiable n’est donc plus un outil périphérique, mais une véritable mesure d’instruction conventionnelle, dont l’un des objectifs est de s’articuler de manière probante avec l’instruction conventionnelle ou l’instruction judiciaire.

Des garanties d’impartialité et de régularité

Le technicien et l’expertise amiable dans la réforme Magicobus II

Le décret Magicobus II a renforcé les garanties entourant la désignation du technicien afin d’accroître la place accordée à l’expertise amiable. Cet objectif se traduit notamment par l’article 131-1 CPC qui impose au technicien, avant d’accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance et son impartialité. Ce devoir de transparence, déjà présent dans l’expertise judiciaire, est désormais pleinement transposé à l’expertise amiable.

Une fois désigné, le technicien doit exécuter sa mission selon les principes cardinaux posés par l’article 131-2 CPC à savoir : conscience, diligence, impartialité, et respect du principe du contradictoire. Il doit accomplir personnellement la mission, sauf à ce que sa structure soit une personne morale, auquel cas les personnes physiques intervenantes doivent être agréées par les parties. Un point essentiel demeure : le technicien ne peut porter aucune appréciation d’ordre juridique. Il doit se limiter aux constats techniques et analyses de fait, laissant aux avocats et au juge le soin de qualifier juridiquement la situation.

Ainsi encadrée, l’expertise amiable devient une véritable mesure d’instruction, équivalente à l’expertise judiciaire.

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Le technicien et l’expertise amiable

Une communication encadrée avec le technicien

Le technicien et l’expertise amiable dans la réforme Magicobus II

Le décret Magicobus II veille également à assurer la fluidité des échanges entre les parties et le technicien. L’article 131-4 CPC prévoit que les parties peuvent modifier la mission confiée au technicien ou lui confier une mission complémentaire, sous réserve de son accord ou de ses observations. Cela a pour objectif de correspondre à la nature même d’une procédure conventionnelle, susceptible d’évoluer au gré des éléments techniques.

De même, l’article 131-5 impose aux parties de communiquer au technicien les documents nécessaires à sa mission. En cas de carence, le juge d’appui peut être saisi afin d’ordonner la communication des pièces, éventuellement sous astreinte. Le technicien peut toutefois poursuivre sa mission avec les éléments dont il dispose dans l’attente de la décision.

Enfin, l’article 131-6 permet d’associer tout tiers intéressé, avec l’accord des parties et du technicien, aux opérations d’expertise. Ce tiers devient alors partie à la convention en cours, ce qui permet d’intégrer d’autres acteurs techniques, économiques ou contractuels au processus amiable.

Un rapport d’expertise amiable doté d’une force probante identique à celui d’une expertise judiciaire

Le technicien et l’expertise amiable dans la réforme Magicobus II

Un des points forts de la réforme réside dans la consécration d’une force probante équivalente à celle d’une expertise judiciaire lorsque la convention de recours à un technicien est conclue entre avocats.

En effet, selon l’article 131-8 CPC, le rapport écrit remis par le technicien « a la même valeur qu’un avis rendu dans le cadre d’une mesure d’instruction judiciairement ordonnée ». Cette disposition constitue une révolution procédurale : elle érige l’expertise amiable au rang de l’expertise judiciaire, et en fait un outil probatoire majeur véritablement opposable au juge.

L’article 131-7 CPC ajoute que les parties peuvent demander au technicien d’annexer leurs observations ou réclamations écrites à son rapport, garantissant un contradictoire complet.

Le technicien et l’expertise amiable
Le technicien et l’expertise amiable

Une expertise amiable compatible avec les modes amiables

Le technicien et l’expertise amiable dans la réforme Magicobus II

Par ailleurs, le décret Magicobus II organise la coexistence entre l’expertise amiable et les autres modes amiables de résolution des conflits.

En effet, le technicien peut, en parallèle de sa mission, concilier les parties via une médiation conventionnelle, une médiation judiciaire lorsqu’il est désigné comme médiateur par le juge, ou par un processus non réglementé. Les parties pourront solliciter l’homologation de l’accord dans les conditions prévues à l’article 1541-1 du CPC.  Ce cumul des fonctions participe à la résolution amiable et globale du litige.

L’abrogation de la faculté de saisine de l’expert via la procédure participative des anciens articles 1546-3 et suivant du code de procédure civile

Le technicien et l’expertise amiable dans la réforme Magicobus II

Toutefois, il est possible de s’interroger quant à la réelle facilitation du recours amiable à un technicien par le décret Magicobus II.

L’abrogation des articles relatifs à la saisine du technicien dans le livre V du code de procédure civile semble enfermer les parties dans des démarches judiciaires qui n’étaient pas nécessaires auparavant. En effet, l’instruction conventionnelle suppose la saisine de la juridiction, ce qui revient à conditionner l’expertise amiable à une démarche judiciaire préalable.

Dès lors, les parties qui souhaitent recourir à un expert indépendamment de toute instance se trouvent liées par un mécanisme plus contraignant qu’une simple saisine autonome du technicien. Bien qu’elles puissent toujours recourir à une « expertise amiable classique », une sorte de dépendance au juge semble s’instaurer ce qui interroge donc sur l’opportunité de cet outil.

Le technicien et l’expertise amiable

Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot

Avocate, Directrice du département Contentieux et expertise du numérique et informatique

Morgane Sot

Juriste, département Contentieux et expertise informatique

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