L’incendie de Notre-Dame en avril 2019 a mobilisé près de 400 pompiers et détruit plus de 1.000 m² de toiture. Dans les jours suivants, l’établissement public chargé de la reconstruction a coordonné des relevés techniques avec l’IGN, le CNRS et la société Art Graphique & Patrimoine.
Des capteurs LiDAR, des drones et des scanners 3D ont permis de générer un double numérique de la cathédrale.
Cette base a structuré l’ensemble du chantier. Le recours à ces outils, inédits à cette échelle dans la restauration patrimoniale française, a transformé les méthodes d’intervention sur le bâti ancien.
ROBOTS ET DRONES AU SECOURS DE NOTRE-DAME
LA RECONSTRUCTION DE NOTRE-DAME DE PARIS PAR LES TECHNOLOGIES
Une intervention rapide et sécurisée
Lors de l’incendie de Notre-Dame, les pompiers ont déployé le robot « Colossus » (1), conçu par Shark Robotics. Capable de résister à des températures extrêmes (jusqu’à 600°C), il est intervenu sous la toiture, là où l’accès humain était impossible. Son utilisation a permis d’éviter l’effondrement de la nef, en maintenant un refroidissement ciblé et constant des structures fragilisées.
Dans les jours suivants, des drones équipés de capteurs optiques et thermiques ont été mobilisés pour survoler la cathédrale Notre-Dame. Ces appareils ont capté des milliers de clichés, utilisés ensuite pour produire des cartes 3D par photogrammétrie (2), une technique validée dans les pratiques de documentation patrimoniale par l’IGN (3). Les données ainsi recueillies ont permis d’établir une cartographie (4) précise des dommages structurels.
D’un point de vue juridique
L’usage de drones dans un site classé au titre des monuments historiques nécessite une autorisation spécifique de la préfecture, conformément à l’usage de l’espace aérien par des aéronefs sans équipage à bord (5) à l’article L.6224-1 du code des transports (6). Par ailleurs, la Cnil rappelle que toute captation d’images susceptibles d’identifier des personnes ou d’atteindre à la vie privée, reste encadrée même en contexte post-catastrophe.
LIDAR ET MODÉLISATION 3D
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Une approche numérique de la reconstruction
Le LiDAR, acronyme de « light detection and ranging » ou « laser imaging detection and ranging », est un système de télédétection par laser. Il a permis une modélisation de Notre-Dame (7) en envoyant des impulsions laser vers les surfaces observées. Chaque faisceau rebondit et revient vers le capteur. L’appareil calcule alors la distance exacte grâce au temps de retour. Il enregistre des millions de points par seconde. Ces points composent un nuage représentant l’architecture avec une précision millimétrique.
La société Art Graphique & Patrimoine (AGP), en collaboration avec des chercheurs du CNRS, a supervisé le relevé complet de la cathédrale. Elle a croisé les données LiDAR avec des relevés photogrammétriques afin de créer un jumeau numérique à l’échelle réelle, exploitable par les architectes des Monuments historiques. Cette maquette a ensuite été intégrée à un système BIM (Building Information Modeling), devenu la plateforme centrale de coordination entre les différents intervenants du chantier de Notre-Dame.
Le recours au BIM
Encore peu courant dans le secteur du patrimoine, le BIM a permis d’optimiser les simulations de chantier, de détecter les conflits techniques avant intervention et d’assurer une traçabilité des opérations (8). Selon le rapport du ministère de la Culture sur le BIM appliqué au bâti ancien, ce modèle offre un outil de gouvernance collective mais soulève des enjeux juridiques.
Le code de la propriété intellectuelle (articles L.111-1 et L.121-1) rappelle que les modèles numériques peuvent être protégés par des droits d’auteur, en particulier lorsqu’ils résultent d’un travail original de modélisation. Dès lors, les entreprises ayant produit ces données conservent des droits patrimoniaux sur la maquette, sauf clause contraire. En parallèle, le maître d’ouvrage public (ici, l’État) reste titulaire des droits d’exploitation sur les données techniques qui sont gérées par le code des relations entre le public et l’administration (9). Un contrat BIM doit donc encadrer la titularité, la responsabilité en cas d’erreur, et les conditions d’usage des données partagées.
L'IMPRESSION 3D AU SERVICE DE NOTRE-DAME
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Visualiser des éléments disparus ou endommagés
Enfin, les architectes ont utilisé l’impression 3D pour reproduire les éléments de la cathédrale Notre-Dame qui avaient été détruits (10) (11). À partir des relevés LiDAR et des modèles issus du BIM, ils ont reconstitué numériquement des statues, gargouilles et éléments décoratifs. Ces objets ont ensuite été imprimés couche par couche, selon des techniques additives adaptées aux matériaux d’origine.
Pour les éléments en pierre, les équipes ont utilisé un composite minéral formulé pour être compatible avec les conditions de conservation d’un bâtiment classé. Pour les ornements métalliques, les imprimantes ont fondu des poudres d’acier ou de bronze, selon les exigences de restitution. Ces objets, une fois imprimés, ont été retravaillés à la main par des artisans spécialisés afin de garantir leur intégration esthétique et matérielle au bâti ancien (11).
La reproduction 3D
Sur le plan juridique, la reproduction d’un élément d’architecture ancienne engage la responsabilité de l’État en matière de respect du droit moral de l’auteur. Même lorsque l’oeuvre relève du domaine public, l’architecte d’origine ou ses ayants droit conservent un droit d’auteur perpétuel et inaliénable, notamment sur l’intégrité de l’oeuvre.
Par ailleurs, l’intégration d’éléments imprimés en 3D dans un édifice classé, tel que Notre-Dame de Paris, est encadrée par des règles strictes en matière de sécurité, de résistance au feu et de compatibilité avec les matériaux existants. Ces exigences relèvent notamment du code du patrimoine (article L.621-9) (12) qui nécessite une autorisation obligatoire pour les travaux d’un monument historique. Elles relèvent également des prescriptions techniques fixées par la CNPA, Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (13). Avant leur mise en oeuvre, les éléments imprimés doivent faire l’objet de tests validés par les services de l’inspection générale des Monuments historiques.
Notes de bas de page :
- Le Colossus, l’un des sauveurs de Notre-Dame de Paris Innovation / Camille Lecestre, Placeco, 03-12-2024.
- La photogrammétrie, IGN Magazine n° 94, MàJ 13-10-2021.
- Ces innovations qui ont marqué notre histoire, IGN magazine n° 99 : 80 ans d’innovation, été 2020.
- Cartographie de Notre-Dame de Paris : Nuage de points 3D photogrammétrique des restes de la charpente de Notre-Dame de Paris (Photo de Violette Abergel, Banque d’images du CNRS) et Numérisation 3D pour Notre-Dame (Art Graphique et Patrimoine, 20-06-2023).
- Drone : règles de pilotage à respecter – Drone marqué CE, DILA, Direction de l’information légale et administrative, MàJ 01-01-2024. Sont interdits : la captation, l’enregistrement, la transmission, la conservation, l’utilisation ou la diffusion de données recueillies ainsi que la télédétection, sauf autorisation spéciale (article L.6224-1, code des transports).
- Où piloter son drone de loisir et quelles précautions en matière de vie privée ? Cnil, 2016.
- Le saviez-vous ? LiDAR et la Cathédrale Notre-Dame / Claudia, The cross product 24-11-2022.
- Notre-Dame de Paris : quel apport des nouvelles technologies dans sa reconstruction ? Interview de E. di Giacomo par C. Lemonnier, Batiweb, 16-12-2024.
- L’accès aux documents administratifs et la réutilisation des informations publiques (articles L.300-1 à L.351-1 du code des relations entre le public et l’administration). Voir aussi : Rénover une oeuvre du patrimoine architectural ou de l’obligation de restaurer une oeuvre dégradée, in : Le maître d’ouvrage et le droit d’auteur : construire et rénover dans le respect de la création architecturale et artistique, (Cahiers de l’Union sociale pour l’habitat), Repères n° 127, 11-01-2024.
- L’impression 3D au service de Notre-Dame de Paris, Lynxter, 07-10-2022.
- La modélisation 3D pour venir au secours de Notre-Dame de Paris, Thomas Hermans, Le Figaro, 19-04-2019.
- Classement aux monuments historiques (article L.621-9, code du patrimoine).
- La CNPA, Commission nationale du patrimoine et de l’architecture.
Avec la collaboration de Louise Coursin, stagiaire, étudiante en première année de Droit à l’Université Paris-Saclay.
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