Chatbot et presse en ligne : la CJUE tranchera le litige

lettre JTIT

La CJUE doit trancher un litige entre un éditeur et un chatbot accusé de reproduire sans autorisation des contenus protégés.

Par une décision du 3 mars 2025 [1, 2], le Tribunal du district de Budapest Környéki Törvényszék (Hongrie) a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une demande de décision préjudicielle concernant les chatbots au regard du droit des éditeurs de presse et des directives 2001/29/CE (InfoSoc) [3] et 2019/790/UE (DSM) [4].
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Un litige inédit entre un éditeur de presse et un chatbot

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Dans cette affaire, un éditeur hongrois reproche à Google Ireland Ltd, qui exploite le chatbot Gemini, d’avoir généré des réponses contenant des passages issus de ses articles de presse sans autorisation préalable. Selon l’éditeur, ces extraits dépasseraient la simple citation autorisée et constitueraient une violation des droits d’auteur et des droits voisins.

► D’un côté, l’éditeur invoque la Directive DSM qui protège les éditeurs de presse contre l’exploitation non autorisée de leurs contenus numériques. L’entreprise soutient que de tels actes constituent une reproduction et une mise à disposition du public de contenus protégés en violation du droit d’auteur et des droits voisins des éditeurs de presse.

► De l’autre, Google nie toute reproduction directe et communication au public, puisque le chatbot reproduit du texte par prédiction algorithmique et que les œuvres sont déjà accessibles sur internet. L’entreprise s’appuie également sur l’exception dite de fouille légale de textes et données (text and data mining) prévue à l’article 4 de la Directive DSM (transposé en droit français aux articles L. 122-5, 10° et L. 122-5-3 du Code de la propriété intellectuelle), pour justifier l’entraînement de son modèle sur des contenus disponibles publiquement.

Des questions clés soumises à la CJUE

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La juridiction de renvoi soumet quatre questions préjudicielles à la CJUE relatives aux limites du droit de reproduction et du droit de communication au public dans le cadre de l’intelligence artificielle générative :

La question se pose même si le contenu est généré par prédiction algorithmique plutôt que par une reproduction littérale.

  • ► L’entraînement d’un modèle de langage (LLM) à partir de contenus accessibles en ligne constitue-t-il une reproduction au sens de l’article 2 de la Directive InfoSoc ?
  • ► Le cas échéant, cette reproduction entre-t-elle dans le champ de l’exception pour fouille de textes et de données prévue à l’article 4 de la Directive DSM ?
  • ► Lorsque le chatbot affiche sur demande tout ou partie d’un contenu protégé, cela engage-t-il la responsabilité du fournisseur du service pour reproduction non autorisée ?
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Des enjeux fondamentaux attendus

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Ce renvoi préjudiciel confronte la CJUE à des enjeux inédits.

► D’une part, l’interprétation des textes européens face aux nouveaux usages de l’intelligence artificielle générative.

► D’autre part, il s’agit de déterminer si les actes réalisés par un chatbot LLM (entraînement, génération de texte, affichage) peuvent ou non être qualifiés d’actes de reproduction d’œuvres protégées au sens du droit d’auteur.

La CJUE devra donc arbitrer entre protection des droits d’auteur et innovation.

Cette décision, attendue avec attention, pourrait fixer un précédent européen déterminant pour l’intégration juridique de l’intelligence artificielle dans le paysage juridique communautaire.

Notes de bas de page :

  1. Affaire C-250/25, Demande de décision préjudicielle présentée par la Budapest Környéki Törvényszék (Hongrie) le 3 avril 2025 – Like Company/Google Ireland Limited (JOUE C, C/2025/3039, 10.06.2025).
  2. Affaire C-250/25 : Résumé de la demande de décision préjudicielle, conformément à l’article 98, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour de justice.
  3. Directive InfoSoc : Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, modifiée, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.
  4. Directive DSM : Directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019, modifiée, sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.

Avec la collaboration de Cléo Carraz, stagiaire, Diplômée du master 2 Droit du patrimoine culturel de Paris Saclay.

Marie Soulez

Avocate, Directrice du département Propriété intellectuelle Contentieux

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