
Le « dossier-coffre » est un mécanisme juridique encadré par le Conseil constitutionnel qui façonne la lutte contre la criminalité organisée.

Le « dossier-coffre » : un dispositif de lutte contre les représailles
Le recours au « dossier-coffre »
La loi visant à sortir la France du narcotrafic (1) a introduit trois articles dans le Code de procédure pénale qui encadrent les conditions de versement au « dossier-coffre » de certaines informations relatives à la mise en œuvre de techniques spéciales d’enquête.
Le « dossier-coffre », un procès-verbal distinct. Il implique l’absence des informations qu’il contient dans le dossier de la procédure soumise au débat contradictoire. Ce dispositif concerne spécifiquement les techniques spéciales d’enquête. Cela inclut la captation d’images, de données informatiques ou la sonorisation.
Ces techniques sont applicables aux investigations relatives aux infractions relevant de la criminalité et la délinquance organisée (articles 706-73 et 706-73-1 du Code de procédure pénale). Ainsi le législateur souhaite réduire les risques de représailles dans la criminalité organisée.
Les informations versées au « dossier-coffre »
Le recours au « dossier-coffre »
Les informations susceptibles d’être versées au « dossier-coffre » relèvent de la date, l’heure et le lieu de mise en place des dispositifs techniques. Mais aussi toute information permettant l’identification des personnes ayant concouru à l’installation ou au retrait du dispositif technique (article 706-104 CPP).
Le versement au « dossier-coffre » de ces informations est soumis à la réunion de deux conditions cumulatives. Tout d’abord, la divulgation de ces informations doit être de nature à mettre en danger la vie ou l’intégrité physique d’une personne, des membres de sa famille ou de ses proches. Ensuite, le versement au « dossier-coffre » doit être prononcé par décision motivée du juge des libertés et de la détention, saisi d’une requête motivée du procureur de la République ou d’un juge d’instruction précisant les raisons impérieuses justifiant que les informations ne soient pas versées au dossier soumis au contradictoire.
Ce dispositif a généré de fortes réserves chez les professionnels du droit. Perçu comme affaiblissant les droits de la défense, il remettait en cause le principe du contradictoire. La question de sa constitutionnalité a donc vite été soulevée.


La position du Conseil constitutionnel sur le « dossier-coffre »
Le recours au « dossier-coffre »
Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la validité de l’article 40 de la loi du 13 juin 2025 (2). Il rappelle que par son objet de lutte contre les représailles, cette disposition contribue à l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public, reconnu depuis 1982 (3).
Le Conseil constitutionnel, déclare conforme à la Constitution l’art 706-104 du Code de Procédure Pénale. Il consacre donc le principe du recours au « dossier-coffre » sur autorisation du juge des libertés et de la détention dans le cadre d’une enquête ou instruction portant sur certaines infractions relevant de la procédure applicable à la criminalité organisée.
Conforme à la Constitution
Le recours au « dossier-coffre »
Il déclare conforme à la Constitution l’article 706-104-1 qui pose les conditions dans lesquelles la procédure de versement de certaines informations au « dossier-coffre » peut être contestée, ainsi que les conditions dans lesquelles les éléments de preuves recueillis au moyen d’une technique spéciale d’enquête et versées au « dossier-coffre » peuvent être utilisées.
Cependant le Conseil constitutionnel, encadre son usage. En vertu des exigences des droits de la défense (article 16 DDHC), le Conseil déclare non-conforme à la Constitution l’article 706-104-2 du Code de procédure pénale. Ce dernier prévoyait, à titre exceptionnel, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, la possibilité de fonder une condamnation pénale sur des éléments de preuve recueillis via des techniques d’enquête spéciales sans que le « dossier-coffre » ou la requête qui en est à l’origine n’aient été versés au dossier de la procédure. Autrement dit, cet article prévoyait la possibilité de fonder une condamnation pénale sans que la personne mise en cause ne soit mise à même de contester les conditions de recueil versés au « dossier-coffre ».


Dans le respect du Contradictoire
Le recours au « dossier-coffre »
Ainsi, le Conseil constitutionnel refuse toute possibilité de fonder une condamnation pénale sur des éléments qui n’auraient pas été, même partiellement, soumis au principe du contradictoire.
Cette position du Conseil s’aligne sur la jurisprudence européenne validant un dispositif belge similaire au « dossier-coffre » (CEDH 23 mai 2017 Van Wesenbeeck c/ Belgique).
Cette nouvelle mesure représente un enjeu majeur pour les acteurs de la procédure pénale. Elle soulève un défi stratégique pour les avocats de la défense rendant la contestation des techniques d’enquête spéciales utilisées plus délicate.
Loi n°2025-532 du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
Décision n°2025-885 DC du 12 juin 2025 (Loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic)
Décision n° 82-141 DC du 27 juillet 1982 relative à la Loi sur la communication audiovisuelle
Avec la collaboration de Lilou Tohier, étudiante en L3 Droit à l’Université Paris-Saclay (Faculté Jean Monnet).

Virginie Bensoussan-Brulé
Avocate, Directrice du pôle Contentieux du numérique

Virginie Bensoussan-Brulé
Avocate, Directrice du pôle Contentieux du numérique
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