Fichier API-PNR : décryptage juridique de l’accès aux données par la Cour de cassation

fichier API-PNR

L’accès aux données du fichier API-PNR est décrypté
par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mai 2025.

Dans cet arrêt (1), la chambre criminelle de la Cour de cassation s’est prononcée sur plusieurs moyens de nullité que les parties ont soulevés dans une information judiciaire ouverte pour blanchiment aggravé et associations de malfaiteurs, en lien avec des infractions à la législation sur les stupéfiants (courant 2021 jusqu’au 22 août 2022). La Cour casse partiellement cette décision concernant l’étendue de la saisine du juge d’instruction et l’accès aux données du fichier API-PNR. Il convient d’analyser les motifs de cette décision.

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Portée de la saisine du juge d’instruction : une limite stricte

Fichier API-PNR : décryptage juridique de l’accès aux données

L’un des premiers griefs que le requérant a soulevé portait sur la régularité du mandat d’arrêt que les autorités ont délivré contre l’individu. Celui-ci couvre une période des faits présumés qui va du 1er janvier 2021 au 22 novembre 2022, alors que les réquisitoires introductif et supplétif ne saisissent le juge d’instruction que de faits commis jusqu’au 11 août 2022.

La Cour rappelle un principe fondamental du code de procédure pénale : le juge d’instruction ne peut enquêter que sur les faits que l’acte de saisine vise expressément (article 80 du code de procédure pénale). L’expression « en tout cas depuis temps non prescrit », que les réquisitoires utilisent parfois, ne saurait élargir cette saisine à d’autres périodes. Par conséquent, la Cour a dû trancher sur cette irrégularité.

La Cour de cassation a donc annulé le mandat d’arrêt seulement pour la période excédant le 11 août 2022, considérant que le juge d’instruction était incompétent pour instruire sur cette période. Le juge d’instruction ne pouvait statuer sur des prétentions dont il n’était pas saisi.

Données du fichier API-PNR : un accès encadré

Fichier API-PNR : décryptage juridique de l’accès aux données

Le second point porte sur l’utilisation des données issues du fichier API-PNR (Passenger Name Record), qui comprenaient des informations personnelles sur les passagers aériens. Le requérant a par la suite contesté la régularité de la consultation du fichier par un officier de police judiciaire (OPJ), en l’absence de preuve. En effet, le fait qu’il appartenait à l’Agence nationale des données de voyage (anciennement Unité d’information passager), ou qu’il avait sollicité cette agence par requête motivée, comme le prévoit le code de la sécurité intérieure (articles R.232-13 et R.232-15) a justifié cette contestation de la régularité. La chambre de l’instruction s’était contentée d’affirmer que l’OPJ était habilité pour accéder à ces données. Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui au contraire, considère ces éléments insuffisants, et qu’aucune vérification réelle n’avait été faite sur la régularité de la procédure d’accès.

En conséquence, la Cour casse l’arrêt pour insuffisance de motivation, considérant que les autorités n’avaient pas établi les conditions d’accès au fichier API-PNR.

fichier API-PNR
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Annulation de pièces de procédure : portée limitée

Fichier API-PNR : décryptage juridique de l’accès aux données

Enfin, un troisième moyen portait sur l’annulation d’une pièce de procédure (cote D36), et sur la demande d’annulation par voie de conséquence d’autres actes, comme la mise en examen. Sur ce point, la Cour de cassation a refusé les prétentions du requérant, en rejetant le pourvoi. Elle rappelle que lorsqu’un requérant demande l’annulation d’actes pour violation d’un intérêt privé, il doit préciser acte par acte les éléments concernés. En l’espèce, la défense n’a fait mention expresse que de la cote D36.

En conséquence, aucune autre annulation n’est possible et ne s’imposait. La chambre de l’instruction a donc légalement limité l’annulation à la seule pièce que la défense avait visée. En conclusion, cet arrêt de la Cour de cassation illustre plusieurs exigences essentielles de la procédure pénale française : le respect strict de la saisine du juge d’instruction que les enquêteurs ne peuvent élargir implicitement. Concernant les données sensibles en question, la Cour exige une réglementation rigoureuse pour l’accès aux données sensibles du fichier API-PNR et l’obligation pour les parties d’être précises et rigoureuses dans leurs demandes d’annulation.

La Cour opère un équilibre délicat. Elle protège les droits de la défense tout en permettant aux enquêtes de progresser, en sanctionnant fermement ce qui dépasse le cadre légal.

Notes de bas de page :

  1. Cass. crim. arrêt du 20 mai 2025, n°24-85763.

Avec la collaboration de Marcel Logak, étudiant en droit en Master 1 « Droit de l’intelligence artificielle » à l’Institut catholique de Paris.

Virginie Bensoussan-Brulé

Virginie Bensoussan-Brulé

Avocate, Directrice du pôle Contentieux du numérique

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