Copyright et IA : Midjourney face à Universal et Disney

Midjourney
Le 11 juin 2025, les studios de cinéma Universal et Disney ont assigné la société Midjourney devant le tribunal fédéral de Los Angeles (1).

Ils lui reprochent d’avoir reproduit et diffusé, sans autorisation, des images de leurs personnages emblématiques afin d’entraîner son système d’intelligence artificielle générative, Midjourney, une plateforme de création d’images. Les studios allèguent que leurs œuvres protégées par un copyright ne peuvent être exploitées que s’ils y ont consenti. Ils réclament ainsi la restitution des revenus générés par Midjourney (2) en lien avec l’exploitation illicite de leurs œuvres, et des dommages-intérêts.

La défense par le « fair use »

Copyright et IA : Midjourney face à Universal et Disney

Midjourney pourrait invoquer la notion de « fair use » afin de soutenir une utilisation loyale des œuvres litigieuses. Cette notion, propre au droit américain, permet à celui qui s’en prévaut de justifier l’usage d’une œuvre protégée par le copyright sans autorisation préalable, dès lors que cet usage peut être qualifié de « loyal ». Il s’agit en effet d’une exception au principe d’autorisation inhérent au copyright.

Pour qu’un usage soit reconnu comme « fair use », quatre critères cumulatifs doivent être pris en considération :

  1. L’objectif et la nature de l’usage, notamment son caractère commercial ou, au contraire, éducatif et non lucratif ;
  2. La nature de l’œuvre protégée ;
  3. La quantité et la qualité de la partie utilisée au regard de l’ensemble de l’œuvre ;
  4. Les effets de l’usage sur le marché potentiel ou sur la valeur économique de l’œuvre protégée.
Midjourney
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Text and Data Mining – TDM

Copyright et IA : Midjourney face à Universal et Disney

Par analogie, en droit français, l’exception de fouille de textes et de données (Text and Data Mining – TDM), instaurée par la directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique du 17 avril 2019, pourrait être invoquée par les entreprises développant des systèmes d’intelligence artificielle générative pour justifier l’exploitation massive de contenus protégés par le droit d’auteur. Toutefois, cette exception n’est applicable que si les titulaires de droits concernés n’ont pas exercé leur droit d’opposition (opt-out).

En revanche, le droit américain ne prévoit aucun mécanisme équivalent permettant aux titulaires de droits d’auteur de s’opposer à l’exploitation commerciale de leurs œuvres dans le cadre du « fair use ». Or, l’activité de Midjourney présente indéniablement un but lucratif. En outre, de nombreux personnages créés par les studios sont reproduits à l’identique par son système d’IA. Dès lors, si le tribunal venait à reconnaître le « fair use » dans une telle situation, cela reviendrait à légitimer une captation injustifiée de la valeur économique créée par Universal et Disney.

Des enjeux juridiques déterminants pour les titulaires de copyright

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Le système de common law américain confère au juge un rôle créateur : il « dit le droit », là où le juge français se borne à appliquer la loi. Dès lors, la position que le juge adoptera dans ce contentieux sera déterminante pour l’avenir, car elle exercera une influence décisive sur la jurisprudence à venir en matière d’intelligence artificielle.

Si le tribunal venait à considérer que l’utilisation d’œuvres protégées par le copyright pour l’entraînement d’un système d’IA relève du « fair use », une telle reconnaissance ouvrirait la voie à une interprétation très large de cette exception. Les développeurs d’IA pourraient alors se voir dégagés de l’obligation d’obtenir une autorisation préalable, favorisant ainsi la dynamique d’innovation, tout en suscitant une crainte pour le secteur de la création, essentiel à l’économie américaine, de se voir fragilisé.

Midjourney
  1. Disney Enterprises Inc. v. Midjourney Inc., 2:25-cv-05275, (US C.D. Cal.)
  2. Elle aurait généré 300 millions de chiffre d’affaires en 2024.

Avec la collaboration de Lou-Salomé Wang, stagiaire, diplômée du Master 2 de Propriété Intellectuelle Appliquée de l’UPEC.

Marie Soulez

Avocate, Directrice du département Propriété intellectuelle Contentieux

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