Atteintes au droit moral de l’auteur d’une œuvre musicale

Le 7 mai 2025, la Cour d’appel de Paris a condamné la société de production audiovisuelle Narcos à verser 50 000 euros de dommages et intérêts à l’auteur d’une œuvre musicale pour atteinte à son droit moral.

L’auteur avait saisi le tribunal judiciaire de Paris, reprochant à la société Narcos d’avoir porté atteinte à l’esprit de son œuvre ainsi qu’à son droit de paternité. En effet, sa composition avait été utilisée dans une scène particulièrement violente d’un épisode de la série Narcos, sans qu’aucune mention de son nom ne figure au générique [1].

À la suite du décès de l’auteur, ses ayants droit ont poursuivi l’action engagée par leur père devant la cour d’appel.

Atteinte à l’esprit de l’œuvre pour association à une scène violente

Atteintes au droit moral de l’auteur d’une œuvre musicale

La Cour d’appel reconnaît une atteinte à l’esprit de l’œuvre et en déduit la violation du droit moral de l’auteur. Elle relève que la composition musicale n’était pas utilisée en simple fond sonore, contrairement à ce que soutenait la société Narcos, mais que le volume sonore augmentait progressivement à mesure que la violence de la scène s’intensifiait. La ballade romantique avait ainsi été exploitée pour accentuer la brutalité de la séquence litigieuse.

En outre, la Cour observe que, si l’auteur avait parfois autorisé l’utilisation de son œuvre dans des contextes cinématographiques pouvant contraster avec l’esprit de tendresse qu’elle exprimait, ces occurrences demeuraient isolées et ne sauraient justifier ni atténuer l’atteinte constatée en l’espèce [2].

Fragmentation de l’œuvre et modifications : atteinte à l’intégrité de l’œuvre ?

Atteintes au droit moral de l’auteur d’une œuvre musicale

La société Narcos avait également procédé à des modifications techniques de l’œuvre musicale, en y ajoutant un filtre sonore et en accélérant le tempo. Ces altérations étaient susceptibles de constituer une atteinte à l’intégrité de l’œuvre, et donc une violation du droit moral de l’auteur.

Toutefois, la Cour d’appel n’a pas été en mesure de se prononcer définitivement sur ce point, l’expertise produite ne permettant pas d’établir avec certitude que l’extrait analysé correspondait bien à celui utilisé dans la scène litigieuse.

Atteinte au droit moral à la paternité pour défaut de mention du nom

Atteintes au droit moral de l’auteur d’une œuvre musicale

Enfin, le nom de l’auteur ne figurait pas au générique de l’épisode concerné. La société Narcos tentait de justifier cette omission en invoquant les usages professionnels américains, selon lesquels les auteurs de compositions musicales ne sont généralement pas mentionnés dans ce type de production audiovisuelle.

La Cour d’appel rejette cet argument, rappelant que les atteintes au droit de paternité doivent être appréciées au regard du droit français [3]. Elle précise que la notoriété d’un auteur ou de son œuvre ne saurait justifier l’omission de son nom. La Cour en conclut à une violation du droit moral de paternité.

En Conclusion

Atteintes au droit moral de l’auteur d’une œuvre musicale

Cet arrêt rappelle que le droit moral de l’auteur doit être scrupuleusement respecté par les tiers, y compris après son décès.

La tolérance ponctuelle d’un auteur à l’égard d’utilisations illicites de son œuvre ne saurait valoir renonciation pour l’avenir.

D’autre part, la synchronisation d’une œuvre musicale dans une scène contraire à son esprit constitue une violation du droit au respect de l’œuvre garanti à l’auteur.

Par ailleurs, il appartient aux artistes et ayants droit de veiller à la cohérence des éléments de preuve produits en justice, afin de permettre au juge de déterminer, le cas échéant, en quoi l’œuvre a été altérée.

Enfin, le droit de paternité impose la mention du nom de l’auteur, quelles que soient les usages étrangers, la notoriété de l’auteur ou de l’œuvre, ou encore la facilité avec laquelle leur identification pourrait être présumée.

  1. V. la description de la scène dans CA Paris, 7 mai 2025, n° 23/14476, p. 14.
  2. « Cette tolérance ne saurait valoir acquiescement pour toute utilisation ultérieure dans des scènes de violence très éloignées de l’esprit de l’œuvre musicale », extrait de la même décision.
  3. V. CPI, art. L. 121-1 pour une définition du droit moral.

Avec la collaboration de Lou-Salomé Wang, stagiaire, diplômée du Master 2 de Propriété Intellectuelle Appliquée de l’UPEC.

Marie Soulez

Avocate, Directrice du département Propriété intellectuelle Contentieux

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