Journaliste et exception d’information : la justice tranche

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La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 28 mars 2025,
a précisé la titularité des droits patrimoniaux des journalistes salariés
à la lumière des dispositions issues de la loi dite Hadopi.

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A la suite de l’attentat terroriste survenu le 7 janvier 2015 dans les locaux de Charlie hebdo, ayant coûté la vie à plusieurs journalistes, dont Bernard Verlhac, dit Tignous, dessinateur salarié du journal, une édition du journal a été publiée le 14 janvier 2015 (n°1178).

Cette édition comportant 9 rééditions des dessins phares du dessinateur a conduit ses ayants droit, représentés par la société Les Petites Teignes titulaire des droits patrimoniaux, à assigner l’éditeur du journal pour contrefaçon de droits d’auteur.

La Cour a rejeté la demande des héritiers en application de la loi Hadopi et de l’exception d’information bénéficiant aux titres de presse.

L’application de la loi Hadopi

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La loi du 12 juin 2009, dite loi Hadopi, a modifié les règles applicables aux journalistes salariés, notamment la portée de leur collaboration mais également les conditions de cession des droits d’exploitation sur les œuvres des journalistes.

Elle prévoit que la convention liant un journaliste, contribuant à un titre de presse, emporte cession à titre exclusif à l’employeur des droits d’exploitation des œuvres réalisées dans le cadre de ce titre, qu’elles soient ou non publiées. La première exploitation, dans un délai fixé, est soumise à la perception d’un salaire et la réexploitation, au-delà du délai, à rémunération complémentaire.

En l’espèce, les droits d’exploitation des œuvres créées par le journaliste depuis l’entrée en vigueur de la loi appartiennent à l’éditeur. Cependant, des neuf dessins du journaliste, quatre étaient réalisés sous l’empire de la loi Hadopi, trois étaient non-datés et deux étaient antérieurs à la loi.

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Conformément à l’article L132-36 du Code de propriété intellectuelle, qui dispose que « la convention liant un journaliste professionnel ou assimilé  (…) qui contribue, de manière permanente ou occasionnelle, à l’élaboration d’un titre de presse, et l’employeur  emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l’employeur des droits d’exploitation des œuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, qu’elles soient ou non publiées », la cession des droits d’exploitation n’est pas limitée à la durée du contrat de travail.

L’éditeur demeurait titulaire des droits patrimoniaux des quatre dessins réalisés après 2009 sans nécessiter d’autorisation spécifique, mais devait s’acquitter d’une rémunération complémentaire – ce qu’il avait fait. Par conséquent, aucun acte de contrefaçon ne pouvait être retenu pour ces œuvres.

L’exception d’information

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S’agissant des autres dessins, non couverts par la loi Hadopi, l’éditeur a invoqué l’exception d’information prévue à l’article L122-5 du Code de propriété intellectuelle.

Celle-ci permet, à des fins exclusives d’information immédiate et en relation directe avec l’événement commenté, la reproduction d’œuvres par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, sans que l’auteur puisse s’y opposer.

La Cour a reconnu que le n°1178 de Charlie Hebdo, publié à sa date habituelle, poursuivait un but d’information immédiate en lien direct avec les circonstances de l’attentat, les victimes et leurs œuvres.

L’auteur était systématiquement mentionné pour chacun de ses dessins, lesquels ont été utilisés en stricte proportion avec l’objectif d’information poursuivi. L’exception d’information, accessible à tous les organes de presse, n’est soumise ni à une condition de nombre de rééditions, ni à une durée ou une nature particulière.

Dès lors, l’éditeur étant en droit de publier ces dessins, même en l’absence d’autorisation des ayants droit, sans qu’il y ait lieu de qualifier ces actes de contrefaçon.

  1. Cour d’appel de Paris, arrêt du 28 mars 2025, n° 23/14755 (Source : Dalloz Avocats). 

Avec la collaboration de Cléo Carraz, stagiaire, Diplômée du master 2 Droit du patrimoine culturel de Paris Saclay. 

Marie Soulez

Avocate, Directrice du département Propriété intellectuelle Contentieux

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