Le Tribunal de grande instance de Nanterre vient de condamner une maison de disque à rembourser à une consommatrice le prix d’un CD, au motif qu’il était affecté d’un vice caché (1). Ce CD, comme beaucoup d’autres, comportait un dispositif technique de nature à limiter les copies, dont la conséquence était, en l’espèce, qu’il ne pouvait être « lu » sur le lecteur CD du véhicule de la consommatrice. Cette décision, qui n’est pas la première du genre (2), confirme qu’il existe un » droit des mesures techniques « , introduit par le traité OMPI du 20 décembre 1996 et la directive CE du 22 mai 2001 (3).
Le Considérant 47 de la directive précise, en effet, que » l’évolution technologique permettra aux titulaires de droits de recourir à des mesures techniques destinées à empêcher ou à limiter les actes non autorisés par les titulaires d’un droit d’auteur, de droits voisins ou du droit sui generis sur une base de données « . C’est l’article 6 de la directive, qui définit la notion de » mesures techniques » et impose aux Etats membres d’intégrer dans leur législation » une protection juridique appropriée contre le contournement de toute mesure technique efficace « .
Même si la France n’a pas encore transposé la directive -qui devait l’être avant le 22 décembre 2002- on peut considérer que les maisons de disque sont en droit, non seulement d’intégrer des mesures de protection au premier rang desquelles des mesures » anti-copie « , mais qu’elles sont aussi en droit d’attendre de l’Etat français qu’il les protège contre d’éventuels contournements en complémentant la législation.
Le jugement du 2 septembre 2003, tout comme celui du 24 juin dernier, viennent confirmer qu’il existe un droit des mesures techniques. Le jugement du tribunal de Nanterre du 2 septembre est clair sur ce point, puisqu’il ne reproche pas à la maison de disque d’avoir intégré une mesure de protection, mais estime que le fait que le CD ne soit pas audible sur tous les supports constitue un vice caché, au sens de l’article 1641 du Code civil. Dans le jugement du 24 juin, le tribunal avait alors considéré, pour des faits identiques, que les agissements de la même maison de disque constituaient une tromperie, au sens de l’article L. 213-1 du Code de la consommation, la condamnant, en sus, à faire figurer au verso de l’emballage du CD la formule suivante en caractère 2,5mmm » Attention, il ne peut être lu sur tout lecteur ou autoradio « .
Que les faits soient considérés comme une tromperie ou comme un vice caché, c’est bien le fait que le consommateur n’ait pas été clairement alerté sur les conséquences de ces mesures techniques, qui est critiqué, et non l’existence de ces mesures. Sur ce point, le jugement du 24 juin 2003 était on ne peut plus explicite, qui précisait » le consommateur en lisant la mention » ce CD contient un dispositif technique qui limite les possibilités de copie » ne peut savoir que ce système anti-copie est susceptible de restreindre l’écoute de son disque sur un autoradio ou un lecteur « . Le tribunal devait, par ailleurs, préciser que la maison de disque, en omettant d’informer les acheteurs des restrictions d’utilisation et particulièrement de l’impossibilité de lire ce CD sur certains autoradios ou lecteurs, s’était rendue coupable d’une tromperie sur l’aptitude à l’emploi de ce produit.
Ces deux affaires sont la démonstration éclatante que les CD, comme les DVD ou les autres supports, sont à la fois des œuvres de l’esprit, protégées par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle et des biens de consommation, tels que visés par le Code du même nom. Si le droit d’auteur protège l’auteur et lui confère le droit de protéger ses œuvres, le Code de la consommation protège le consommateur et lui accorde le droit d’être informé sur le produit qu’il achète. Il n’y a donc, en l’espèce, pas d’autre vainqueur que le droit et le bon sens, qui confirment que les maisons de disque peuvent intégrer des mesures de protection anti-copie, pour autant qu’elles informent clairement le consommateur sur leur existence et leurs éventuelles conséquences. Il n’en reste pas moins vrai qu’aucun texte ne précise les conditions dans lesquelles cette information doit être délivrée aux consommateurs et, à l’heure où l’on débat du projet de loi portant transposition de la directive 2001/29/CE, on peut se demander s’il ne serait pas opportun d’ajouter une disposition, qui viendrait fixer les règles du jeu en la matière, mettant un terme à un débat qui, à défaut, risque fort d’être récurrent.
Lexing Alain Bensoussan Avocats
Département Internet et Télécoms
(1) TGI Nanterre 02/09/2003
(2) TGI Nanterre 24/06/2003
(3) Directive CE n° 2001/29
« Mesures anti-copie : informer le consommateur », article paru dans les Echos le 17-9-2003.